Douceurs enchantées, Recettes magiques

Des muffins & des figues.

Au pied du sapin, il y avait ce livre (Green, par Anya Kassoff), sobrement emballé dans un papier rouge. Je l’ai ouvert, je l’ai parcouru d’un regard gourmand, et je ne l’ai plus quitté. Inépuisable source d’inspiration, aussi bien culinaire que picturale, je l’ai souvent ouvert au hasard, pour me régaler d’une image, ou en quête d’un repas du soir alléchant et rapidement fait.

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Parmi toutes les superbes réalisations qui s’y trouvaient, une d’entre elle, des muffins garnis de figues fraîches entières, avait accroché mes yeux. J’y revenais sans cesse. Et pourtant, sur cette recette, pesait un agaçant interdit : il fallait utiliser de la poudre d’amande – un fruit auquel la moitié de ma famille était intolérant – ainsi que des figues fraîches – et les figues fraîches, même en saison, coûtent terriblement cher.

Je n’ai jamais oublié cette recette. J’attendais simplement le moment propice pour la réaliser, enfin – quand j’aurais trouvé des figues fraîches à un prix abordable. Le temps a passé, ma mère et moi avons pu recommencer à manger de petites quantités d’amandes sans être malades, et, un beau jour, mon magasin bio a proposé des fruits à un prix record… Je n’ai pas hésité un instant, ma marotte toujours à l’esprit, et j’ai consciencieusement rempli un sac en papier de fruits dodus et noirs, sous le regard perplexe et amusé de mon père, rendu curieux par tant de mystères.

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Le lendemain, frigorifiée après avoir enduré averse sur averse et coup de vent à une fête médiévale, en quête de réconfort, je passais à l’acte : farine qui vole, aller-retour du garde-manger à la cuisine, parfum envoûtant de l’amande et de la vanille, mon père qui insiste pour faire la vaisselle, rien que pour lécher la pâte qui restait dans le saladier…

Quelques vingt minutes plus tard, les délices étaient au four, le froid n’était plus que le souvenir d’une aventure un peu folle, un peu chouette, et j’avais réalisé un rêve de recette.

Comme d’habitude, je n’ai pu m’empêcher de modifier la recette selon mon bon-vouloir. Vous trouverez donc une version fantaisiste de ces muffins à la figue, ici. En espérant qu’elle vous charme autant qu’elle nous a charmé… ♥

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Muffins vanille-amande garnis d’une figue entière

Ingrédients :

Pour une dizaine de gros muffins :

  • 10 petites figures noires, bien mûres
  • 90g de farine de riz complet
  • 100g de poudre d’amande
  • 30g de farine de lupin
  • 30g de fécule de manioc
  • 250ml de lait de coco entier, nature
  • 40g de sirop de dattes
  • 80g de sucre de canne complet
  • 2 cuillères à soupe de purée d’amande blanche (ou de purée de noix de cajou)
  • 1 cuillère à café de poudre à lever
  • 1 pincée de sel marin
  • 1 pointe de couteau de vanille en poudre
  • 2 cuillères à soupe de jus de citron
  • le zeste râpé et haché d’un citron
  • 1 cuillère à café d’eau de fleur d’oranger

 

Mélanger les ingrédients secs ensemble.

Dans une jatte séparée, mélangez le sirop de datte avec le lait de coco, la purée d’amande, le jus de citron et l’eau de fleur d’oranger. Verser sur le mélange de poudre. Mélangez intimement.

Dans des moules garnis de caissette en papier, déposer une cuillère à soupe de pâte. Déposer une figue, pédoncule ôté, sur le fond du muffin.

Recouvrir la figue avec le restant de pâte.

Enfourner pour 20 à 25min de cuisson, jusqu’à ce que le dessus du gâteau soit doré.

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A peine sortis du four, les muffins ont une consistance irrésistiblement moelleuse ; la figue a caramélisé et fond au milieu du gâteau…

 A accompagner d’un thé aux épices ou d’un rooibos à la vanille et de sorbet à la pêche ♥

Tendrement vôtre,

Eve. ♥

Contes & histoires, Réflexion

Le mensonge des contes

“ Tous les contes n’ont pas forcément une fin heureuse.

Certains s’achèvent sur un mariage entre le prince et la princesse. Et pourtant, tous deux ont vécu tant d’aventures pour avoir le droit de s’aimer que le quotidien leur paraît soudain insupportablement banal.

J’imaginais l’intrépide héroïne, celle qui a traversé des contrées marécageuses et combattu des dragons, élever des enfants. Sa beauté s’étiolait au fur et à mesure qu’elle donnait naissance à des marmots ingrats ; elle devait se lever en pleine nuit pour réconforter des bambins hantés par des cauchemars. Pendant qu’elle en berçait un contre son cœur, elle devait composer avec la multitude de petits qui se pressait dans ses jambes. Ses regards, d’un bleu limpide, se cernaient de poches mauves au fur et à mesure que les années passaient, que son prince, privé d’exercice, grossissait, et tombait dans le piège de l’alcool.

Les contes sont de belles histoires, à condition que l’on ne se penche pas trop sur leur fin. Deux inconnus que l’amour réunit d’un regard, c’est bien joli ; mais qu’en est-il du reste de leur vie ? Quand la routine a fini de consumer la passion qui les unissait ? Que se passe-t-il quand il ne reste plus rien de l’affection qui était née entre eux, rien qu’une habitude douloureuse, la vague envie de retrouver l’aventure et les excitations du passé ?

« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »

Est-ce là la définition du bonheur ? Se poser dans un château et procréer ? La vie n’est-elle pas plus riche, plus palpitante ?

Mon conte à moi ne connaît guère de fin conventionnelle. A décider entre l’amour et l’aventure, je crois que le choix aurait été vite fait. Mais, quelque part, j’avais eu de la chance, car, dans mon cas, l’amour à lui-seul promettait d’être une équipée. ”

Ariane, protagoniste du Veilleur, un conte cynique et décalé, dans lequel le prince n’est pas toujours qui on croit…

Les dîners du chat, Réflexion, Recettes magiques, Repas des elfes

Un inconnu + une recette alsacienne

Est-ce que cela ne vous arrive jamais ? Vous croisez des gens, et, au fond de vous, vous savez qu’ils auront de l’importance pour vous. Vous les avez remarqués au milieu de la foule ; il doit bien y avoir une raison à cela…

Cela peut être un inconnu, aperçu au détour de l’allée d’un magasin ; quelqu’un, dans la rue. Vous ne savez pas vraiment ce qui a accroché votre regard, son apparence, les vêtements qu’il ou elle porte, ou encore la couleur de ses cheveux. Est-ce une expression, un parfum ? Sa personne toute entière ?

Plus tard, quand vous le/la recroisez, c’est comme une évidence.

C’était lui ou elle – un inconnu qui devait jouer un rôle dans votre vie. Et votre instinct vous en avait averti. Il aura suffi d’un sourire, d’un geste de bonté, d’un petit rien, qui a pourtant transformé votre humeur.

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Parfois, c’est au détour d’une conversation, un éclat de mots, une poignée de paroles saisies au vol dans la rue, dans le bus, dans une salle d’attente. Vous êtes embourbé dans le marasme de vos propres pensées ; et c’est ce mot, celui que vous attendiez, celui que vous cherchiez sans le trouver, soudain, qui vient vous sortir de cette mauvaise passe. On peut parler de pièce de puzzle : exactement celle qui manquait pour que vous compreniez le problème ou que vous le voyiez sous un autre angle, celui qui transformera l’obstacle en solution…

Alors, à tous ces inconnus qui ont contribué à notre existence, sans le savoir, à tous ces sourires qui ont sauvé notre journée, à toutes ces graines de sagesse cueillies au vent… Merci ♥

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Cette recette m’a été inspirée, non par un inconnu, mais par ma famille et par mes racines alsaciennes. J’ai grandi biberonnée aux flammenkuechen, aux gâteaux alsaciens, aux recettes qui fleurent bon la région des cigognes. Bien qu’on ne trouve pas une grande quantité de lardons et de crème dans ma cuisine (on se demande bien pourquoi, haha), j’aime à penser que quelques influences alsaciennes se glissent de temps à autre, par ci ou par là, dans les plats que je confectionne. Les feuilles de laurier, les salades de choucroute, les tartes fines de sarrasin, nappées de crème de soja et de fins lardons de tofu fumé, les potées de chou à la sauce soja, ou les petits biscuits aux amandes et à la cannelle…

Et, que voulez-vous : l’automne m’évoque irrésistiblement nos longues promenades dans la forêt alsacienne, les tourbillons de feuilles rousses, les histoires de sorcières et les tartelettes aux noix. Je reviens à mes origines, celles de mon cœur, celles de mon âme. Et je vous offre cette recette aux consonances alsaciennes, lorraines et…magiques ?

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Tarte flambée végétarienne, sarrasin – épinards – pesto :

Pour la pâte à tarte sans gluten :

  • 100g de farine de riz complet
  • 50g de farine de sarrasin
  • 30g de farine de lupin
  • 20g de farine de pois-chiche
  • Une pincée de sel
  • 3 cuillères à soupe d’huile de noix de coco désodorisée

Pour la garniture :

  • 150g de crème de soja lactofermentée (sa texture est plus onctueuse)
  • 100g de tofu lactofermenté au tamari
  • 1 cuillère à soupe de tamari
  • Noix de muscade râpée
  • Ail semoule
  • Poivre noir du moulin

Pour les légumes :

  • 200g de jeunes pousses d’épinard, de fanes de légumes, de laitue un peu défraîchie
  • 25g de jeunes feuilles d’ortie
  • 100g de pesto d’ail des ours (fait maison, ou acheté. Un pesto au basilic fera l’affaire aussi)
  • 2 cuillères à soupe d’huile d’olive

Mélangez ensemble les farines avec le sel.

Ajoutez l’huile de noix de coco désodorisée quand elle est en pommade, puis 8 à 10 cuillères à soupe d’eau tiède. Vous devez obtenir une belle boule de pâte légèrement collante.

Abaissez la pâte entre deux feuilles de papier cuisson, et déposez-la sur une plaque de cuisson, en forme de rond.

Réservez.

Préchauffez le four à 180°C

Faites revenir les jeunes pousses d’épinards ou les fanes de légumes avec les pousses d’ortie pendant une dizaine de minutes.

Pendant ce temps, mixez tous les ingrédients de la garniture ensemble, puis étalez sur la pâte.

Versez les légumes par-dessus, puis assaisonnez avec le pesto d’ail des ours.

Mettez au four pour une trentaine de minutes, jusqu’à ce que les bords de la pâte soient dorés et croustillants.

VARIANTE : la tarte avec sa garniture et quelques feuilles d’ail des ours et de roquette saupoudrées sur cette dernière se suffit aussi à elle-même ♥

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Vous pouvez accompagner ce plat d’une belle salade de roquette et de betterave aux noix, de carottes râpées ou d’une poêlée de petits navets ♥

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Tendrement vôtre,

Eve.

Les dîners du chat, Recettes magiques

Maman, j’aime pas les pâtes

Cette phrase, jusqu’à très récemment, ma mère a souvent dû me l’entendre prononcer, à son plus grand désespoir. On dit souvent que les goûts évoluent, tout au long de la vie ; et ce n’est pas moi qui viendrait prétendre le contraire… La petite fille qui aimait tant les pâtes a fini par en être dégoûtée, quand elle a eu quinze ans. Jusqu’à ses dix-neuf ans, elle n’en mangeait que rarement, et que plus ou moins sous la contrainte.

Mais ça, c’était avant de (re)découvrir les pâtes de maïs…

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De la texture en bouche, cet irrésistible petit goût de maïs, une belle couleur ensoleillée dans l’assiette… Rien à voir avec les pâtes de blé pâlichonnes qui avaient failli me désespérer pour de bon de tous les plats pâteux du monde !

Depuis, j’ai recommencé à apprivoiser les pâtes – de toute sorte – même si ma préférence va clairement à celles au maïs. Pour les accompagner et préparer un repas à la fois simple et complet, j’aime faire revenir des aubergines et des poivrons dans l’huile d’olive, avant de les enrober d’une petite sauce à la crème de soja et au vin blanc. Promis, c’est très, très bon…

On fait le pari que cette recette vous fera apprécier les pâtes ?

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Pâtes au maïs et leur sauce magique :

pour quatre gourmands :

  • 250g de pâtes de maïs artisanales

pour la sauce :

  • 3 aubergines
  • 2 poivrons rouges déjà cuits (il suffit de les mettre, entiers, au four, pour environ 30min. Une fois cuits, vous les sortez, les pelez et les épépinez, et ils sont prêts à être utilisés ♥)
  • 3 cuillères à soupe d’huile d’olive
  • une brique de crème de soja (200ml)
  • 100ml de vin blanc sec
  • deux feuilles de laurier
  • 150g de tofu fumé aux graines (facultatif)
  • poivre du moulin
  • sel marin de Guérande

pour accompagner :

  • de jeunes pousses de roquette
  • un filet d’huile d’olive

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Dans une sauteuse, faites revenir les aubergines dans l’huile d’olive, coupées en petits dés. Ajoutez le sel, le poivre, le laurier et les poivrons rouge détaillés en lamelles, ainsi que le tofu, si vous décidez d’en utiliser. Laissez cuire pendant 10minutes environ, en mélangeant régulièrement.

Mouillez avec le vin blanc, puis la crème de soja. Laissez mijoter une vingtaine de minutes, sans oublier de mélanger de temps à autre.

Pendant ce temps, faites cuire les pâtes dans une grande quantité d’eau bouillante salée. Égouttez.

Au moment de dresser les assiettes, servez les pâtes avec un filet d’huile d’olive, quelques pousses de roquette et une généreuse portion de sauce.

Mangez ! ♥

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Contes & histoires, Douceurs enchantées, Nouvelles, Recettes magiques

Muffins aux amandes – Les recettes de Néphret – partie 1

A travers une série de recettes à la frontière entre fiction et réel, découvrez la cuisine de l’étrange Néphret, esclave homme à tout faire du capricieux homme aux montres, gardien et passeur de mondes. Bon voyage gustatif ! ♥

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Debout comme un homme, il tenait pourtant plus du félin que de l’humain, avec son corps souple et svelte, tacheté d’ocelles. D’une crinière cuivrée et lustrée, pointaient deux oreilles…qui se plaquèrent aussitôt sur son crâne. L’homme aux montres, furibond lui jetait un regard assassin. La longue queue de la créature battait l’air nerveusement.

Il leva une patte griffue comme pour se protéger de la colère de son interlocuteur. Sa voix avait quelque chose de souffreteux et de contrit.

 « J’ai préparé le thé, maître, et vos muffins favoris, aussi.

— Les muffins aux abricots et aux amandes, Néphret, vraiment ?

— Oui, maître. J’ai pensé que vous auriez besoin d’un petit réconfort après cette dure journée… »

Le pauvre Néphret précédait son maître d’un air inquiet, soucieux d’obtenir son pardon.

« Il y en a pour notre invité, j’espère, répliqua son « maître » d’un ton menaçant.

— Bien…bien sûr, maître… »

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Muffins aux amandes et à la confiture d’abricots :

Très moelleux et irrésistiblement parfumés à la vanille, ces gâteaux sont les favoris de l’homme aux montres, le redoutable maître de Néphret. Dégustez-les avec un thé aux épices, un chaï latte ou une petite compote de fruits de saison – poires, pommes, prunes ? Ils fleurent bon l’automne et les goûters que l’on prenait, enfant, après une longue journée d’école ou des jeux dans les feuilles mortes.

  • 100g de farine d’avoine
  • 30g de farine de noix de coco
  • 125g de poudre d’amandes
  • 100g de sucre de canne complet
  • 150g de confiture d’abricots très parfumée
  • 200ml de crème de soja liquide ou de crème d’amande/avoine
  • 100ml de lait de coco entier
  • 1 sachet de poudre à lever
  • une pointe de couteau de vanille
  • une pincée de sel
  • 15 gouttes d’huile essentielle d’orange

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Préchauffer le four à 180°C.

Mélanger les farines avec la poudre d’amande, la poudre à lever, la vanille et le sel.

Dans un second récipient, mélanger le sucre avec la confiture, la crème de soja, puis le lait de coco et l’huile essentielle d’orange.

Verser le mélange liquide sur les poudres. Bien mélanger.

Répartir la pâte dans des moules à muffins garnis de caissettes en papier. Placer au four pour environ 20min de cuisson. Sortir du four, et…

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— Néphret ! Cesse tes messes basses et sers-nous donc du thé. Et des muffins, que je vois si tes talents de cuisinier méritent mon pardon. »

L’homme se laissa tomber dans un fauteuil ; Néphret, affairé et tremblant, papillonnait autour de lui. Je fus invité à m’asseoir également. J’avais l’impression d’être en visite chez un oncle lointain et un peu fantasque.

Néphret me tendit une tasse emplie d’un breuvage ambré, puis servit mon interlocuteur. Il tremblait tellement que la tasse s’entrechoquait contre la soucoupe. L’homme soupira.

«  C’est bon, Néphret. Je n’ai pas envie que tu fasses une syncope dans mon salon. Je ne t’en veux plus – pour le moment. »

Je crus un instant que Néphret allait défaillir, en effet, mais de soulagement, cette fois. Il se reprit rapidement, nous présenta un somptueux plat de muffins dodus et dorés et s’en fut vaquer à ses occupations dans ce que je devinais être la cuisine – avais-je rêvé, ou avais-je aperçu une poule se dandiner sur le plan de travail ?

« Ce cher Néphret ! Toujours si émotif… Mais c’est un bon serviteur, heureusement. Enfin. Racontez-moi tout. »

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Contes & histoires

Quand je serai grande…

Quand je serai grande, je serais une gentille sorcière. Les gens qui viendront me voir me paieront avec du thé aux épices, du chocolat et avec les histoires qu’ils me raconteront.

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Quand je serai grande, j’habiterais avec mon chéri une belle maison au milieu d’un bois de chêne mystérieux. La brume viendra nous visiter chaque matin, quand ce ne serait pas une horde de biches en quête d’un petit-déjeuner de jeunes pousses et de tendres crosses de fougères.

Quand je serai grande, j’aurais un grand potager, où je ferais pousser des citrouilles rondes, rousses et savoureuses, des carottes violettes et des sourires à foison.

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Quand je serai grande, j’apprendrais toutes les danses du monde et j’organiserais de grands bals masqués dans la forêt, sous l’ombre de la lune.

Quand je serai grande, j’aurais trouvé la recette parfaite de brownie au chocolat et j’en préparerais chaque semaine une grande fournée à mon amoureux.

Quand je serai grande, j’aurais un cheval, un Frison, avec une liste blanche en forme d’étoile sur le front.

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Quand je serai grande, je voyagerais un peu partout pour rêver devant toutes les nuits du monde et faire du yoga sur les plages de Bali.

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Quand je serai grande, je ferais semblant d’être une princesse rien que pour danser la valse à Vienne.

Quand je serai grande, j’adopterais quinze chats et je donnerais à tous le prénom d’un personnage de Shakespeare.

Quand je serai grande, je me perdrais dans les rues de Londres ou de Dublin, et je me jetterais sur les traces de Dickens, des héroïnes d’Austen, de Joyce ou encore de Wilde.

Quand je serai grande, j’aurais une bibliothèque immense et un observatoire pour regarder les étoiles.

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Quand je serai grande, j’aurais un beau lit à baldaquin, un joli balcon avec une rambarde en fer forgé et un châle en laine rouge sous lequel me blottir par les frais matins d’automne, pour observer l’aube se lever.

Quand je serai grande, je partirais en Inde pour humer des parfums d’épices, de légumes rôtis au ghee et d’encens dans les temples, sur les traces de l’Ayurveda.

Quand je serai grande, j’organiserais de grands pique-niques à l’ombre des saules, avec tous les gens que j’aime, des rires, des jeux, des tartes aux noix de pécan et des nappes à carreaux.

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Quand je serai grande, j’apprendrais le nom de toutes les plantes comestibles, et je préparerais des crèmes à l’aspérule, des potages aux orties, des salades d’aubépine et de primevères, des sautés d’égopode et de lamier, des asperges sauvages en vinaigrette de lierre terrestre.

Quand je serai grande, je croirais toujours aux fées, aux dragons et aux elfes.

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Quand je serai grande, je porterais la même robe que Vera Ellen dans White Christmas quand elle danse avec Danny Kaye…

Quand je serai grande…  

Beauté, Développement personnel, Réflexion

Ayurveda – le chemin du bonheur

Ceux qui me connaissent m’ont souvent entendu prononcer ce mot : Ayurveda. Et parce que beaucoup ont été curieux de savoir ce que désignait ce terme, j’ai pensé qu’écrire un petit article à ce sujet ne serait pas une mauvaise idée ♥

Ayurveda en sanskrit signifie « science de la vie ». S’intéresser à l’Ayurveda, une des plus anciennes médecines de l’humanité, c’est faire une plongée au cœur de la vie et de son essentiel. Comprendre qu’être en bonne santé, c’est potentialiser son capital de bonheur, de beauté et d’énergie ; et ne sont-ce pas les choses les plus importantes dans une vie ?

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J’ai découvert l’Ayurveda à seize ans, un peu par hasard, sur des paquets de tisane de la marque Yogi Tea. Sur chaque boîte, on trouvait annotés ces mystérieux symboles, couplés à des « – » ou à des « + » : V, P, K. Pour moi, il s’agissait ni plus ni moins d’une sorte d’équation ésotérique. A chaque fois que je les voyais, au moment de m’emparer de ma tisane, je fronçais les sourcils, perplexe. Des maths sur ma tisane ?

L’Ayurvéda travaille beaucoup à partir des tempéraments. Postulant que toute chose dans l’univers est constituée de cinq éléments (éther, air, feu, eau et terre), cette médecine millénaire part du principe que les hommes sont pareillement faits de proportions variables de ces cinq éléments. Chaque personne possède donc une constitution de naissance (qu’on nomme Prakriti) qui lui est propre. Elle va définir ses caractéristiques physiologiques et mentaux, régir son métabolisme, le prédisposer à certaines maladies plus qu’à d’autres, mais aussi lui donner les clefs pour vivre au mieux avec lui-même.

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Les mystérieux V, P et K de mes paquets de tisane sont les initiales de Vata (air + éther), Pitta (feu + eau) et Kapha (eau + terre), les noms des trois constitutions principales (qu’on nomme les Doshas) qu’on trouve en Ayurvéda. Évidemment, chaque individu est différent et aura plus ou moins de caractéristiques de Vata, Pitta ou Kapha. Ce n’est pas le fait d’être plutôt Vata ou plutôt Kapha qui nous définit, mais bel et bien la proportion dans laquelle les éléments se manifestent en nous.

Par exemple, une personnalité Vata (combinaison air + éther) sera définie comme aérienne, versatile et changeante comme le vent, quand elle bénéficiera d’une morphologie délicate, raffinée et légère. Quelqu’un qui aura une dominante Pitta (feu + eau) aura un excellent métabolisme, doublé d’une digestion à toute épreuve ; ces individus ont un tempérament de leader et sont prompts à la colère, comme le feu. Kapha, la dernière des constitutions (eau + terre) concerne des individus plutôt pragmatiques ; ils sont calmes et attentifs aux autres personnes ; maternels et toujours prêts au dialogue, ils ont un physique un peu plus lourd et une musculature très développée. Les Kapha font les meilleurs des athlètes.

Parce que chaque personne est différente, il est rare d’être un pur Vata, un pur Pitta ou un pur Kapha. Bien souvent notre constitution est mixte : c’est-à-dire que l’on possède des caractéristiques de plusieurs Doshas, dans des proportions qui nous sont propres. Certaines personnes ont également un équilibre parfait entre Vata – Pitta – Kapha. Cette conformation dite tridoshique est extrêmement rare, mais donne des individus très équilibrés. Cela dit, il n’y a pas de constitution « idéale ».

En Ayurvéda, on travaille majoritairement à partir des constitutions des personnes pour optimiser leur santé. La santé résulte d’un équilibre des éléments et de sa propre constitution ; travailler sur sa soi exige de compenser les déséquilibres inhérents à sa constitution et à sa nature. Par exemple, les individus Vata ont souvent des problèmes d’ancrage ; les pensées dans tous les sens, ils souffrent d’insomnie ou d’anxiété quand ils sont déséquilibrés. Au niveau physique, cela se manifeste par de la maigreur ou des problèmes articulaires. Les Pitta peuvent souffrir de violentes crises de colère, contracter des ulcères, ou avoir des inflammations. Les Kapha, quant à eux, sont plutôt prédisposés à l’obésité, à l’accumulation de mucus, qui peut générer des troubles bronchiques et entraîner de l’asthme.

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A travers une alimentation saine et un style de vie personnalisé (gestion du stress, exercice physique, massages, pensée positive…), la personne est prise en charge dans sa globalité. Le patient est impliqué dans la gestion de sa santé et apprend à véritablement agir sur son bien-être. Science de prévention des maladies, l’Ayurveda permet à l’individu de vivre le plus longtemps possible dans les meilleures conditions et dans le meilleur état de santé qui soit.

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Faire connaissance avec l’Ayurveda consiste donc à apprendre à vivre avec soi, en bonne intelligence, et dans le respect de son individualité.

J’espère que ce petit article, même s’il  donne de cette science millénaire une approche très (très !) schématique, vous aura donné envie d’en apprendre plus – sachant que l’Ayurveda est une véritable médecine.

Tendrement vôtre,

Eve ♥

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Les dîners du chat, Recettes magiques

Les lasagnes : la cuisine de mon enfance

Petite fille, je raffolais de pâtes et de lasagnes. C’était le plat que je réclamais immanquablement à ma mère, à chaque occasion un peu spéciale, à chaque anniversaire. Sa seule pensée dessinait des étoiles dans mes yeux et convoquait une fête sur mes papilles.

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Lasagnes. J’imaginais déjà mes petits doigts racler le fond et les bords des casseroles des sauces que j’aimais tant, la « sauce blanche » et la « sauce rouge », comme la Reine Blanche et la Reine Rouge d’Alice au Pays des Merveilles, archétypes d’un conte, personnages de légende de mon bestiaire culinaire.

Les lasagnes de maman, je les aimais au thon, avec beaucoup d’oignons et de vin blanc, pas forcément gratinées. Il fallait que les pâtes aient caramélisé avec la tomate sur les bords du plat amoureusement passé au four, et que la béchamel soit bien épaisse. C’était comme un rituel, un parfum d’anniversaire et de laurier qui investissait la cuisine et me mettait le cœur en joie.

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Le temps a passé, et ma folie des lasagnes aussi.

Pourtant, quand il fait gris, que l’air fleure bon l’automne et les feuilles tourbillonnantes, j’ai toujours comme une réminiscence de lasagnes. Et, alors, il faut que je mette la main à la pâte pour mettre au point ma propre version de cette recette qui a bercé mon enfance. Plus guère de thon pour la végétarienne que je suis, des pâtes au blé complet ou sans gluten, une recette que j’essaie de penser meilleure pour la santé en termes de nutriments et de vitamines. Avec des herbes du jardin de ma grand-mère, des tomates fraîches si possible…sans sacrifier le côté réconfortant de ce plat.

Voici mes lasagnes du jardin !

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Ingrédients :

  • 250g de pâtes à lasagne (au blé complet, à l’épeautre ou sans gluten)
  • 800g de coulis de tomates
  • 2 cuillères à soupe de tamari
  • Quelques tours de moulin à poivre
  • Un peu d’ail semoule
  • Une dizaine de feuilles d’origan du jardin

  • 8 tomates très mûres
  • 200g de tofu lactofermenté au pesto
  • 100g de tofu lactofermenté au tamari

  • 250ml de crème de soja
  • 200ml de vin blanc sec
  • 3 cuillères à soupe de sauce soja (tamari)
  • 2 cuillères à soupe rases de fécule de manioc

  • Poivre du moulin
  • 3 feuilles de laurier du jardin
  • Noix de muscade fraîchement râpée (environ un quart de la noix)
  • Thym et romarin du jardin
  • Quelques branches de marjolaine
  • Huile d’olive

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Préchauffer le four à 180°C.

Mélanger le coulis de tomate avec les ingrédients de la sauce rouge. Réserver.

Mélanger les ingrédients de la sauce blanche et réserver. Le mélange obtenu est très liquide : c’est normal ; en cuisant, les pâtes vont absorber l’essentiel du liquide.

Huiler généreusement un plat, puis disposer une première couche de pâtes à lasagnes.

Couper les tomates en très fines tranches. En disposer l’équivalent de deux et demi sur les pâtes à lasagnes. Emietter les deux tofus et saupoudrer sur les tomates. Verser un tiers de la sauce rouge et un tiers de la sauce blanche sur les pâtes. Couvrir de feuilles de lasagnes.

Répéter l’opération, jusqu’à épuisement des ingrédients.

Napper généreusement le plat d’huile d’olive, saupoudrer de thym, de romarin et de marjolaine (de votre jardin ♥)

Enfourner pour environ 40 minutes (tout en sachant que les lasagnes supportent très bien les longues cuissons à feu tout doux, pour devenir fondantes et douces et délicieuses ♥)

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Vous pourrez déguster ces lasagnes toutes seules, ou bien accompagnées d’une petite salade verte croquante. Faites-vous du bien !

Tendrement vôtre,

Eve.

Développement personnel, Réflexion

Renaissance(s)

Depuis quelques semaines, je vis au présent, uniquement au présent. Le fameux instant présent, ce fragment d’éternité, la promesse de tout le bonheur du monde. Tout le monde en parle, si bien qu’il en semble presque banal. Chaque jour a acquis la substance d’une semaine entière ; je me lève le matin à la conquête d’une aventure nouvelle. J’ignore ce que l’heure prochaine me réservera ; je ne sais quand j’irai me coucher, à quel moment je déciderai de me lever, de quoi seront faits mes matins et mes après-midis.

Cela m’a ramené quelques années plus tôt, lorsque je me suis réveillée d’une longue maladie, que j’ai cligné des paupières, et qu’il m’a semblé voir le monde pour la première fois – toutes les couleurs brillaient avec une intensité surprenante ; les parfums, les odeurs et les saveurs me semblaient incroyables de sensualité. J’avais quinze ans, et l’impression que je vivais, vraiment, pour la première fois de mon existence. Au cours de l’hiver, j’avais tout brûlé, tout consumé, et certains craignaient que l’oiseau y laisse toutes ses plumes. Au lieu de quoi, j’ai décidé de me ressaisir. J’ai découvert que tout être était un peu phénix, au fond de lui, et pouvait renaître de ses cendres.

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La deuxième renaissance, je l’ai vécue lorsque, en mars dernier, j’ai accepté de laisser sortir mon cœur de sa coquille.

L’hiver avait été noir, assombri par la maladie et la souffrance de ma mère, la fatigue et des responsabilités nouvelles. En février, j’étais exsangue d’avoir trop vécu et d’avoir trop éprouvé. J’étais seule. J’avais besoin d’un soutien que je me refusais, en m’enfermant dans un isolement affectif presque total.

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Juste comme je fêtais le premier anniversaire de La Couleur de la Magie, le 9 février, et comme j’angoissais de me retrouver sans rien, sans projet d’écriture, Argyll et Declan sont arrivés. Là. Au milieu des salles glacées d’un temple, un amour interdit, un amour dangereux, une histoire improbable. En quelques jours, j’étais tombée amoureuse d’un roman. J’ai vécu une relation très fusionnelle avec cette histoire. J’y pensais sans cesse ; elle hantait mes nuits, faisait battre mon cœur, quand elle n’exigeait pas de moi des réveils précoces, bien avant l’aube. Pendant trois semaines, j’ai vécu au rythme propre de cette aventure. Et quand elle s’est achevée, quelques jours après l’équinoxe du printemps, je me suis retrouvée, un peu vide, un peu épuisée, un peu désorientée, à regarder la vie d’un autre œil. A travers mes personnages, j’avais connu l’amour, la sensualité, la passion, la maladie et la mort ; et le quotidien me semblait soudain d’une banalité affligeante. Il fallait que je porte le deuil de ce qui m’avait transfigurée, illuminée et animée de l’intérieur. Je m’y suis longtemps refusée. Passer de tout – la vie – à rien, c’était trop difficile. J’ai joué à l’équilibriste et dansé sur un fil, sans véritable nouveau projet, incapable d’abandonner celui-ci. J’en suis presque tombée malade. En particulier, je me souviens d’une après-midi au jardin botanique, où j’ai commencé à frissonner au soleil, à sentir mon corps et mes membres être parcourus de fourmillements ; je ne parvenais plus à avancer sans avoir l’impression que j’allais tourner de l’œil. Autant dire que j’ai eu très peur. Ce soir-là, je me suis effondrée sur mon tapis de yoga avec un bol-doudou et une tisane, et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Enroulée dans un plaid, je me suis endormie très tôt, le corps et l’esprit exténués.

Mon organisme a exigé son tribut de repos, de nourritures affectives et de considération. Je suis tombée malade d’avoir trop donné – à une histoire.

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Pourquoi parler de renaissance malgré tout ? Parce qu’un événement (en l’occurrence, ce roman) avait chamboulé ma vie ; une voix criait en moi, avec le printemps qui épanouissait ses fleurs : « Il est temps de vivre, petite Eve, temps de laisser tomber les barrières pour faire corps avec l’existence. »

C’était une période étrange, une époque de transition et de transformation. Je marchais de longues heures durant, dans la nature, dans la ville ; et je pensais. A la vie. Au sens potentiel de l’existence. A ce que je voulais et ne voulais pas faire de tout ce temps qui m’était imparti. A la mort. A la maladie, un peu, qui vient chambouler tous nos projets et bouleverser qui nous sommes. Et au milieu de tout cela, une intuition, une intuition formidable et merveilleuse venait me réconforter dans les pires moments. Je sentais, confusément, qu’il allait se passer quelque chose de beau et d’un peu magique. Quoi, je l’ignorais, mais mon instinct palpitait de joie et d’allégresse à l’idée de l’avenir.

L’anorexie et un roman : deux renaissances, parce qu’elles m’ont apprise d’autres manières d’être vivante, de puiser dans mes capacités et m’ont enseigné d’autres points de vue sur l’existence. A quinze ans, je me voyais comme une guerrière – parce que la malade, c’était moi, et qu’il me fallait surmonter mes propres démons. J’étais ma pire ennemie. A vingt ans, j’ai compris que j’avais été malade de mon propre désamour pour moi-même. Je crois avoir saisi que j’étais ma meilleure amie et ma meilleure alliée – même s’il me reste maintenant à l’intégrer.

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Je ne sais pourquoi j’ai repensé à tout cela. Peut-être parce que les longues heures brumeuses du voyage de retour de la baie de Somme m’ont offert un luxe que je dédaignais depuis des mois et des mois, bien que j’en ai eu un cruel besoin : me poser. Juste me poser, ne rien faire, avec de la musique dans les oreilles, les mains sur les genoux et le regard flottant sur les merveilles offertes par le paysage des Ardennes belges. Me poser, penser, digérer, métaboliser les événements des jours, des semaines, des mois précédents.

Regarder un peu le chemin parcouru.

Celui qui reste à parcourir. Sourire à la Eve d’autrefois.

Se poser, pour mieux replonger dans le tourbillon de la vie. Les runes me l’ont pourtant mille fois dit ; et, mille fois, j’ai dédaigné ce conseil.

Deux renaissances… C’était à chaque fois le début de quelque chose de beau et de neuf – même si j’ignorais jusqu’où cela me mènerait.

Oui, j’ignorais, en ce jour gris du 28 février 2017, que tout cela n’était que le prélude d’un été un peu magique, un peu fou, complètement incroyable.

Au fond de nous tous, gît un phénix, un oiseau aux ailes de flammes, qui n’attend que les circonstances propices pour s’éveiller.

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Lectures, Réflexion

Nourrir sa muse

Vous allez sans doute m’accuser de pratiquer la nécromancie ou de me livrer à une dangereuse pratique du spiritisme, mais voilà que j’ai ressuscité la Muse, que j’avais assassinée dans un précédent article. Telle le phénix, elle renaît de ses cendres, le temps que je vous parle de son régime alimentaire si particulier.

Sur la montagne de l’Hélicon, la Muse dans son habitat naturel a l’habitude de faire des agapes d’ambroisie ou de nectar de fleurs. C’est qu’elle est exigeante ! Même une fois apprivoisée, Madame continue d’avoir ses lubies. Sauf que vous, auteur, disposez rarement d’un stock d’ambroisie dans votre sellier. L’artiste moderne est un être pressé, qui, lui-même, se nourrit très mal, de choses qui traînent, qu’il grignote, faute de temps, happé par son écriture et les revendications de ses personnages et créatures de papier.

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Dans ces conditions, la Muse a tôt fait de se sentir négligée, abandonnée. C’est alors qu’elle commence à vous bouder. Elle proteste, elle lambine, elle menace de vous quitter, alanguie dans un fauteuil, cheveux défaits et petit air inaccessible. Vous la suppliez de rester, lui rappelez que, sans elle, vous n’êtes rien. Son sourire se renforce ; elle sait éperdument que vous êtes à sa merci. Elle poursuit ses menaces  pour vous faire céder. En retour, elle vous promet les nuits d’insomnie, la page blanche, la fin de toute inspiration. Elle vous dérobera votre génie ; puis, perfidies accomplies, elle ne se gênera pas pour aller vous faire des infidélités, ailleurs, là où on la nourrira un peu mieux.

Eh oui, la Muse est volage. Pour la garder, il convient d’être vigilant…

Et puisqu’il est interdit, à nous, pauvres mortels, de toucher à la divine ambroisie, mieux vaut rapidement trouver autre chose pour contenter cette Muse aux goûts luxueux…

Nourrir sa muse est une tâche cruciale, qui prend du temps. C’est une besogne pour laquelle on a souvent peu d’intérêt (justement parce que ça prend du temps !)

Mais qu’entendons-nous par nourrir sa Muse, exactement ?

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Il est entendu dans la tradition grecque et dans le monde des Arts, que des entités immatérielles hantent l’esprit des artistes pour leur souffler de nouvelles idées, des passages de leurs œuvres  particulièrement inspirés. C’est ainsi qu’on assiste à d’étranges phénomènes : certains  écrivains témoignent de textes qui semblent s’être écrits tout seuls ; les peintres parlent de paysages jaillis du néant, d’inspirations fulgurantes.

Votre Muse personnelle est ce petit génie qui vous chuchote des choses à l’oreille, assemble pour vous des idées prometteuses et renouvelle votre imaginaire – et a cette propension à vous laisser tomber au pire moment. C’est à partir de vos expériences et de l’atmosphère dans laquelle vous baignez (émotionnellement comme physiquement), de ce que vous vivez et voyez, que vous allez lui apporter un aliment pour qu’elle serve votre Art. Quoi que vous souhaitiez écrire/peindre/inventer, vous ne partez jamais de rien. Prenons l’exemple de l’écriture : vous pouvez compter sur le socle de vos lectures ; et c’est ce qui va vous tenir lieu de point de départ. Si vous êtes un grand amateur de dark fantasy et d’humour Pratchettien (je pense que le résultat aurait de quoi être détonnant xD), il est naturel que vous ayez profité de ces deux grandes influences pour bâtir votre propre style et trouver votre voie.

Une fois que vous avez les fondations et votre style de départ, vous n’êtes qu’au début du voyage. Votre inspiration, pour rester vive, claire et affûtée, a besoin d’être entretenue régulièrement, choyée – nourrie.

Pour nourrir sa muse, il n’y a pas d’autre choix que de fréquenter d’autres auteurs, décortiquer leur style, se fixer mille petits défis pour s’améliorer toujours davantage et tendre dans telle ou telle direction : plus de fluidité, plus de vocabulaire, plus d’humour, etc.

Dans l’idéal, il devrait y avoir des moments que vous consacrez uniquement à l’alimentation de votre Muse, où vous posez la plume pour vous recharger et faire le plein d’idées nouvelles. L’écriture est une alchimie, un art de la lenteur et de la maturité.

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Une chose que j’aime faire, c’est prendre un de mes livres fétiches et lire, lire, lire et encore lire une phrase ou un paragraphe que j’ai apprécié, pour sa musique, les mots employés, l’ambiance qu’il véhicule… Je prends simplement du temps pour lire de manière critique. Pour me poser les bonnes questions : qu’est-ce qui me plaît, chez cet auteur ? Qu’est-ce qui rend sa plume aussi fluide ? De quelle façon construit-il ses phrases ? Comment traite-t-il les scènes d’émotion ou de combat, avec quel rythme dans les phrases, quel type de vocabulaire ?

Lisez. De tout. Aussi bien des articles de botanique que des traités de philosophie ou de psychologie. Sortez de votre zone de confort littéraire. Lisez sur la religion, osez découvrir des auteurs ou des genres que vous n’aimez pas. En écriture comme dans la vraie vie, connaître ses ennemis est un atout. Dévorez tout ce qui passe à votre portée. Oui, tout est utile pour nourrir votre créativité !

Mais parce que l’écriture est aussi un art profondément graphique (écrire un roman, c’est peindre avec des mots), n’hésitez pas à observer autour de vous, à boire la mise en scène des films que vous visionnez, à visiter les musées. J’aime beaucoup lire certains auteurs qui sont également scénaristes ou metteurs en scène : on sent à leur façon de décrire les événements qu’ils ont une conception très visuelle de leur écriture. Chaque scène prend vie d’une manière inédite ; vous vous la représentez très clairement.

Parfois, vous ne trouverez la matière de votre texte que dans la réalité. En sortant la tête de votre livre, en quittant votre bureau enténébré et encombré de miettes de pizza (et vous croyez vraiment que la muse va vous aimer si vous lui offrez une aussi piètre nourriture ?), en marchant dans la nature ou dans la foule, en vous imprégnant de tout ce qui vous entoure : voilà comment vous renouvèlerez votre créativité. Dehors devient une aventure. Ouvrez les yeux et laissez-vous surprendre par…ce que vous voyez ! Cela peut être un immense vol d’étourneaux qui plane au-dessus des champs, un rayon de soleil qui traverse un vitrail avec indolence, le rire d’une petite fille dans la rue, une vieille femme qui se met à danser au son des violons dans le Marais de Paris, un sourire échangé au hasard des rues…

Votre vie devient votre pratique – et votre pratique est une partie de votre vie, dans le sens où elle s’en nourrit.

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Une promenade en forêt ? Notez la luminosité, les ombres qui se brodent sur le sol. Un coucher de soleil ? Observez la façon dont le ciel se diapre de nuances, le liséré bordeaux qui colore les vagues, les reflets de pourpre et d’or qui jouent sur les eaux d’un lac…

Une journée en famille ? Un moment entre amis ? Je sais que certains auteurs rechignent à délaisser leur feuille et leur plume, ne serait-ce que l’espace d’une journée. C’est comme s’arracher une partie de soi-même.

Pourtant, ce n’est pas du temps perdu…

Nous avons aussi besoin de recharger les batteries émotionnelles ; d’éprouver et de vivre des émotions authentiques et brutes pour les retranscrire de la manière la plus juste possible dans nos récits.

Je sais que la musique joue chez moi beaucoup ce rôle de « nourriture émotionnelle ». J’ai déjà vécu des expériences quasi-mystiques, lors de concerts, où il me semble « disparaître » dans la musique, le temps d’une chanson. Quand je rouvre les yeux, j’ai un moment d’étourdissement et de surprise : je ne me rappelai plus être au milieu de la foule, sur cette place, devant la scène, ni de la présence de mon cousin à mes côtés.

J’ai été transportée dans un autre monde.

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Le lendemain de ces concerts, même si j’ai peu dormi, je suis en général emplie d’une saine et puissante énergie. Toute mon écriture, notamment si elle s’était faite un peu laborieuse les jours passés, redevient fluide et aisée. Quel bonheur !

Alors, si la muse vous déserte et vous boude… Maintenant, vous avez trouvé votre ambroisie : buvez le monde tout autour de vous, apprenez à (oser)  puiser en vous, et la Muse deviendra votre meilleure amie !

L’écriture est un constant va-et-vient entre intériorité, celle de votre univers personnel, et extérieur, celle du vaste monde et de la société.

Que votre plume reste affûtée ♥

Tendrement vôtre,

Eve.